Dans« OphĂ©lie », Arthur Rimbaud reprend le thĂšme shakespearien de la belle noyĂ©e qui a sombrĂ© dans la folie et le dĂ©sespoir pour Ă©voquer sa propre expĂ©rience de jeune poĂšte. Il fait du personnage mythique d'OphĂ©lie son double, Ă  travers des effets de miroir et d'Ă©cho entre les trois parties du poĂšme. I Sur faitce glissement du dĂ©sir de l’Autre Ă  l’amour divin ? – (34)Nous savons que c’est une symbolisation du rĂ©el qui met en place le Un comme tel en ce point d’origine dans l’Autre. Ce Un dans l’Autre est un effet du langage. Comme nous l’enseigne Ch. Melman, nous l’appelons Dieu crĂ©ateur dans notre religion, mais autrechose en disant que l’amour, c’est le signe qu’on change de discours ».2 Lier l’amour comme signe d’un changement de discours, au discours de la psychanalyse, serait-ce nous renvoyer Ă  l’élaboration de l’amour de transfert, en jeu dans toute cure ? Soit Ă  la chute des idĂ©aux, de l’idĂ©alisation de l’Autre en quoi Vay Tiền Nhanh. Le but de la psychanalyse est de libĂ©rer les patients des obstacles et des barriĂšres imaginaires psychiques qui les empĂȘchent de vivre pleinement leur vie d’homme et de femme. Ceux qui ont fait une psychanalyse se sentent moins empĂȘchĂ©s et vivent plus en accord avec leur dĂ©sir, c’est le constat que font le plus souvent nos patients. La plupart d’entre eux ont vu leur vie transformĂ©e par l’analyse, mais ils ne peuvent pour autant se dire guĂ©ris ». Dans ce domaine, ce ne sont pas des affections » que l’on soigne comme une grippe. Le changement qui s’opĂšre n’est rien d’autre que la transformation existentielle du sujet. Read more articles Le vĂ©ritable amour n’apparaĂźt pas par magie. C'est le fruit d'un investissement personnel, d'un engagement et d'un rĂ©el respect pour l'autre. Il s'agit de pouvoir assumer un projet commun, tout en respectant l'Ă©panouissement individuel de vĂ©ritable existe-t-il vraiment ? Si nous devions le dĂ©finir, nous pourrions dire qu’il s’agit de quelque chose qui va au-delĂ  des sentiments. C’est une combinaison subtile dans laquelle il y a une relation forte entre la proximitĂ© et la complicitĂ©. En mĂȘme temps, on y trouve des Ă©lĂ©ments aussi puissants que la rĂ©ciprocitĂ©, le dĂ©vouement, l’attention. Enfin, l’amour vĂ©ritable est marquĂ© par cet engagement profond d’entreprendre un projet en commun dans le respect de l’épanouissement de Francisco de Quevedo a dit que “ceux qui s’aiment de tout leur cƓur se parlent”. Cependant, comme nous le savons bien, mĂȘme si les sentiments sont sincĂšres, nous ne savons pas toujours comment communiquer de la maniĂšre la plus efficace. Ainsi, bien que la passion puisse ĂȘtre grande, souvent, l’amour s’essouffle et la relation est donc le secret ? En rĂ©alitĂ©, du point de vue affectif, le succĂšs ne rĂ©side pas dans le fait de “s’aimer beaucoup”. Il n’est pas question non plus de faire tous les sacrifices possibles pour l’ĂȘtre fait, la recette ne consiste pas tant Ă  aimer l’autre, mais plutĂŽt Ă  s’aimer suffisamment soi-mĂȘme. Comme l’a dit Erich Fromm, il s’agit de l’art de comprendre que l’amour n’est pas un acte passif, mais un don constant de soi et un travail mĂȘme, il y a une chose que chacun d’entre nous se doit d’admettre. Chaque fois que notre destin croise le chemin d’une personne spĂ©ciale, singuliĂšre, presque magique Ă  nos yeux, nous nous demandons Est-ce le bon ? Ai-je enfin trouvĂ© l’amour vĂ©ritable ? Des experts en la matiĂšre comme Helen Fisher nous donnent des Ă©lĂ©ments de rĂ©ponses pour comprendre si nous sommes sur la bonne voie. Voyons Ă  prĂ©sent cela de plus ingrĂ©dients de l’amour vĂ©ritableRien n’est vrai tant que nous ne lui donnons pas nous-mĂȘmes d’authenticitĂ©. Dans le domaine de l’amour, cela se traduit par quelque chose de trĂšs simple se battre pour ce qui en vaut vraiment la peine. Donner de la valeur Ă  ce qui embrase notre cƓur. Ainsi, certains spĂ©cialistes du sujet, comme Richard Schwartz, professeur de psychiatrie Ă  la Harvard Medical School, nous disent qu’il s’agit surtout de savoir comment rĂ©pondre aux dĂ©fis qui se prĂ©sentent Ă  chaque instant dans une comme la lune, a ses phases. Le fait de s’engager dans chacune de ces Ă©tapes rendra le lien un peu plus authentique chaque jour. Parce que d’une certaine maniĂšre, lorsque nous unissons nos efforts, nos attentions et nos dĂ©terminations, l’union devient plus forte. Tout semble alors plus significatif au quotidien. C’est donc cet engagement quotidien qui rend notre tissu relationnel de plus en plus concret, fort et Ă©tudions de plus prĂšs les ingrĂ©dients qui composent gĂ©nĂ©ralement ce lien vĂ©ritable va au-delĂ  de la passionLe vĂ©ritable amour est bien plus qu’un sentiment et une passion orchestrĂ©e par une sĂ©rie de neurotransmetteurs. Au dĂ©but, il comporte des Ă©lĂ©ments particuliers La surprise, l’intrigue, la dĂ©stabilisation
 Soudain, nous dĂ©couvrons une personne qui nous attire au-delĂ  de la simple apparence. Il y a une amorce de lien qui rompt avec tous les schĂ©mas que nous avons connus jusqu’à prĂ©sent. Cette complicitĂ© presque immĂ©diate nous attire et nous dĂ©stabilise Ă  la fois Des Ă©tudes, comme celles menĂ©es par l’anthropologue Helen Fisher, nous rĂ©vĂšlent quelque chose d’intĂ©ressant. Les couples qui ont une relation stable ne sont pas seulement attirĂ©s sexuellement. Dans leur cerveau, les zones responsables de l’empathie, de la compassion et de la motivation s’activent plus que chez les autres C’est un Ă©tat d’esprit durableLe vĂ©ritable amour est aussi un Ă©tat psychique et Ă©motionnel capable de durer dans le temps. Cela signifie, par exemple, que les partenaires se prĂ©occupent de l’autre en toutes circonstances. Ils cherchent Ă©galement Ă  amĂ©liorer son bien-ĂȘtre Ă  allĂ©ger ses souffrances, Ă  s’intĂ©resser Ă  ses problĂšmes, Ă  crĂ©er une complicitĂ© au quotidien. Bref, ils souhaitent ĂȘtre prĂ©sents tant pour les petites que pour les grandes d’intemporalitĂ©L’intemporalitĂ© signifie que dans une relation stable et heureuse, le passĂ© n’a pas d’importance et que l’avenir ne suscite pas d’inquiĂ©tude. Les personnes capables de construire un vĂ©ritable amour ne se sentent pas prisonniĂšres ni de leurs erreurs ni de leurs relations passĂ©es. En rĂ©alitĂ©, elles apprĂ©cient simplement le prĂ©sent avec intensitĂ©, sagesse et voient leur partenaire actuel comme le centre de gravitĂ© oĂč se centrent leurs espĂ©rances, leurs efforts, leurs engagements et leurs espoirs. Ce qui s’est produit hier n’existe plus. Les craintes concernant l’avenir de leur relation actuelle n’ont pas de sens non plus. En effet, il n’y a pas de place pour la peur. Il y a seulement la conviction de chĂ©rir ce qu’on possĂšde, ce qu’on dĂ©sire et d’en profiter ici et synergieLa synergie consiste Ă  converger vers un mĂȘme idĂ©al et un mĂȘme projet. Il ne s’agit pas de diriger ses espoirs, son engagement et sa volontĂ© dans une seule et mĂȘme direction, mais plutĂŽt dans de multiples directions en mĂȘme temps. C’est un peu comme ĂȘtre un couple de danseurs qui glisse en rythme et en harmonie en crĂ©ant de nouveaux mouvements pour surmonter ensemble les couples qui se retrouvent en synergie se dĂ©veloppent dans tous les domaines de la vie. En effet, ensemble, ils sont plus que la somme de leurs parties individuelles. Ensemble ils crĂ©ent une entitĂ© effective et dĂ©cisive dans laquelle ils se soutiennent mutuellement. De plus, ils savent qu’ils ne risquent pas de tomber et qu’ils peuvent aller de l’avant lĂ  oĂč ils le dĂ©sirent. Ils s’y sentiront toujours en sĂ©curitĂ©, toujours conclusion, le vĂ©ritable amour existe. Cela ne fait aucun doute, mĂȘme si parfois, il nous glisse entre les doigts pour diverses raisons. Quoi qu’il en soit, le plus important est de se donner la possibilitĂ© de ressentir ce sentiment autant de fois que nĂ©cessaire. Lorsque cela se produit, il ne faut alors pas hĂ©siter. Il faut se donner les moyens de faire durer l’expĂ©rience afin de devenir des danseurs Ă©ternels sur la piste de danse des relations amoureuses pourrait vous intĂ©resser ... ï»ż ï»żï»ż Le sĂ©rieux » de l’amour de transfert Merci Ă  Marc Darmon pour son invitation. Elle m’a permis de relire Observations sur l’amour de transfert », un texte que je croyais bien connaĂźtre mais qui, comme tous les bons textes lorsqu’on les relit, m’a rĂ©servĂ© une petite surprise, et c’est par elle que je vais commencer. Deux points me sont en effet apparus clairement et pour la premiĂšre fois. D’abord le terme de sĂ©rieux », que l’on peut lire par deux fois dĂšs la premiĂšre page, sĂ©rieux qui n’est pas sans faire rĂ©sonner pour nous la façon dont Lacan le lie Ă  la sĂ©rie, la sĂ©rie des cas pris un par un mais tout aussi bien la longue sĂ©rie que Freud Ă©voque, celle des mĂ©decins qu’une patiente qui leur aurait manifestĂ© son amour pourrait ĂȘtre amenĂ©e Ă  consulter, s’ils considĂ©raient que son amour de transfert Ă©tait incompatible avec la poursuite du traitement. Que s’agit-il donc pour Freud de prendre au sĂ©rieux. Le transfert ou l’amour ? Les deux, bien que seul le transfert soit un concept analytique comme Lacan le pointera en 1954 il en fera dix ans plus tard l’un des quatre concepts fondamentaux. L’amour donc, que Freud reconnaĂźt comme un amour authentique, vĂ©ritable, c'est-Ă -dire indice d’une vĂ©ritĂ© inconsciente insue. Lacan prĂ©fĂšre, de façon plus insistante que Freud, associer Ă  l’amour le comique, le comique du phallus, et rĂ©server l’adjectif vĂ©ritable Ă  la psychanalyse, ce qui lui fait du mĂȘme coup dire que plus nous sommes proches de la psychanalyse amusante, plus c’est la vĂ©ritable psychanalyse » Dans le sĂ©minaire qu’il consacre au transfert, il insiste sur l’amour comme mĂ©taphore, comme transfert d’un manque de l’un Ă  l’autre, l’aimant Ă©tant manquant de quelque chose, d’un avoir, et l’aimĂ© ne sachant pas ce qu’il a, c'est-Ă -dire manquant d’un savoir sur son ĂȘtre. Mais revenons Ă  Freud. Sont donc Ă  considĂ©rer comme sĂ©rieux l’amour et le transfert. Les deux sont indissolublement liĂ©s puisque cet amour est Ă  considĂ©rer non seulement comme un signe du transfert mais aussi comme une rĂ©sistance au transfert. Cela n’est pas nouveau, Freud l’avait dĂ©jĂ  dĂ©pliĂ© trois ans auparavant, en 1912, dans La dynamique du transfert ». Il y relevait l’apparition inĂ©vitable du transfert dans la cure, remarquait qu’il Ă©tait Ă  la fois l’agent mĂȘme de l’action thĂ©rapeutique et la plus forte des rĂ©sistances, du fait de sa dualitĂ©, de son ambivalence, amour et hostilitĂ© s’y cĂŽtoyant hainamoration, dira Lacan, sous entendant ainsi la troisiĂšme occurrence des passions du moi, l’ignorance. Avec le pacte analytique, note-t-il pp. 190-191 du sĂ©minaire I, nous engageons le sujet dans une recherche de la vĂ©ritĂ©. On constitue ainsi son ignorance, qui n’est pas mĂ©connaissance car la mĂ©connaissance, elle, comporte une certaine organisation d’affirmations et de nĂ©gations Ă  quoi le sujet est attachĂ©, et que la cure remaniera. Il ajoute plus loin, que les trois registres R,S, I sont impliquĂ©s, l’amour se situant Ă  la jonction de S et I, la haine Ă  celle de I et R, l’ignorance Ă  celle de R et S. Ce qui est nouveau, c’est que Freud aborde lĂ  la question du maniement du transfert et de la direction de la cure. Mais pourquoi n’y vient-il qu’en 1915, alors qu’il signale d’emblĂ©e dans cet Ă©crit que l’étude de l’amour de transfert est depuis longtemps devenue une nĂ©cessitĂ© vitale pour la technique psychanalytique » ? Vous remarquerez que Lacan, de mĂȘme, n’abordera le transfert que plus de quinze ans aprĂšs le dĂ©but de son enseignement et juste un an aprĂšs le sĂ©minaire sur l’éthique de la psychanalyse. VoilĂ  le deuxiĂšme point qui m’a retenue, la date de parution de l’article, 1915, et les 3 ans qui sĂ©parent La dynamique du transfert » oĂč Freud traite de la rĂ©sistance du cĂŽtĂ© du malade, du patient qu’il met d’ailleurs essentiellement au fĂ©minin de l’analysĂ© comme l’appellera Lacan avant qu’il ne devienne, en octobre 1967, le psychanalysant et Ă  partir de 68 l’analysant tout court ; l’ñme ou plutĂŽt la diffĂ©rence entre le corps et l’ñme, non pertinente pour ce qu’il en est de la psychanalyse, disparaĂźt, en mĂȘme temps que l’activitĂ© passe du cĂŽtĂ© patient, tandis que du cĂŽtĂ© analyste se situera l’acte, et l ’article de 1915 oĂč c’est de la rĂ©sistance du mĂ©decin Ă  la psychanalyse qu’il s’agit. Vous aurez sans doute remarquĂ© que dans l’article de 1912, Freud cite discrĂštement, en notes en bas de pages, Bleuler , prĂ©sident de la section zurichoise et Jung , prĂ©sident de l’IPA, Ă  qui il emprunte les termes d’ambivalence et d’introversion. En 1915, si la reculade de Breuer devant l’amour de transfert d’Anna O. est Ă©voquĂ©e rapidement mais explicitement, la rĂ©fĂ©rence Ă  Jung, trĂšs prĂ©sente, reste absolument implicite. Pourquoi donc Freud a-t-il dĂ©cidĂ© de faire fi de la discrĂ©tion mĂ©dicale Ă  laquelle, nous dit-il, il s’était jusqu’alors tenu ? Parce qu’il a dĂ©jĂ  rompu le silence un an plus tĂŽt, dans sa Contribution Ă  l’histoire du mouvement psychanalytique », qu’il n’a pu faire paraĂźtre qu’en juin 1914, une fois rĂ©solues les crises auxquelles a dĂ» faire face la toute jeune IPA. Crises rĂ©solues par deux dĂ©fections majeures et douloureuses » reconnaĂźt-il, celle d’Adler, prĂ©sident de la section viennoise, en 1911 l’IPA n’a alors qu’un an d’existence, et celle de Jung, son premier prĂ©sident, réélu en 1913 et qui vient de dĂ©missionner de la prĂ©sidence le 20 avril 1914. En juillet 1914, soit un mois aprĂšs la parution de l’article que Freud qualifie lui-mĂȘme de bombe », Jung dĂ©missionne de l’IPA, bientĂŽt suivi par toute la section zurichoise. Dans Contribution Ă  l’histoire du mouvement psychanalytique » en effet, Freud dĂ©montre que ni les thĂ©ories d’Adler, ni celles de Jung ne relĂšvent de la psychanalyse. Exit les socialistes Adler et les religieux Jung, Pfister et les Zurichois. La psychanalyse n’est ni un mouvement politique, ni un mouvement mystico-religieux. AprĂšs donc qu’il ait Ă  nouveau dĂ©fini ce qu’est la psychanalyse et ce qu’elle n’est pas, Freud s’attaque Ă  dĂ©finir qui est psychanalyste et qui ne l’est pas. Est psychanalyste, nous dit-il, celui qui ne recule ni ne cĂšde devant l’amour de transfert. C’est donc d’une question Ă©minemment sĂ©rieuse, clinique, Ă©thique et politique, que traite l’article de 1915, celle du maniement du transfert par celui qui se rĂ©clame de la psychanalyse, et donc celle de la position du psychanalyste dans la cure , question qui laisse poindre celle qui se posera peu aprĂšs, celle de sa formation l’institut de Berlin verra le jour en 1920, celui de Vienne en 1924,deux questions elles aussi liĂ©es, comme l’amour et le transfert, et qui n’ont cessĂ© d’ĂȘtre au cƓur des scissions qui ont Ă©maillĂ© depuis qu’il existe l’histoire du mouvement analytique. J’ai Ă©voquĂ© les dĂ©buts de l’IPA mais nous avons tous ici prĂ©sentes Ă  l’esprit, parce que nous les avons vĂ©cues de plus ou moins prĂšs, les scissions du mouvement lacanien avant et aprĂšs la mort de Lacan. Amour tout aussi bien que haine transfĂ©rentielles, deux versants de la mĂȘme chose, de ce devenir du transfert chez ceux qui passent du divan au fauteuil et qui se regroupent en associations ou en Ă©coles de psychanalyse. Le sĂ©minaire de l’école Ă  laquelle j’appartiens, l’EPFCL, tourne cette annĂ©e autour de la question de ce qu’est un analysant, autre façon de se demander ce qui dĂ©finit la psychanalyse et le psychanalyste. Freud en 1915 dĂ©finit le psychanalyste comme un mĂ©decin qui traite une malade. Ce n’est qu’en 1926 et pour dĂ©fendre ces disciples non mĂ©decins accusĂ©s d’exercice illĂ©gal de la mĂ©decine qu’il diffĂ©renciera le traitement analytique, qui consiste en un Ă©change de paroles, talking cure, du traitement mĂ©dical. Au commencement de l’expĂ©rience analytique
 fut l’amour », rappelle Lacan en ouverture du sĂ©minaire VIII, un commencement non de crĂ©ation mais de formation », posant d’entrĂ©e de jeu, le 16 novembre 1961, la question de la formation de l’analyste il rajoutera en 1967 par la grĂące du psychanalysant », et si Breuer prit la fuite devant Eros surgi du transfert, Freud au contraire dĂ©cida de le servir pour s’en servir » et inventa ainsi la psychanalyse. En choisissant de faire Ă©cho au prologue de l’Evangile selon Saint Jean, Lacan indique combien l’amour qui nait du transfert que la talking cure suscite, a partie liĂ©e avec le grand Autre, trĂ©sor des signifiants. Le transfert, c’est tout simplement l’acte de parole, nous dit-il S I La relation entre le malade et le patient n’est pas seulement, comme le souligne Freud, fonciĂšrement dysymĂ©trique. Lacan va plus loin en critiquant l’intersubjectivitĂ© et en prĂ©cisant que cette pseudo-relation, comme il prĂ©fĂšre l’appeler, n’est pas une relation entre sujets mais entre un sujet et un Autre, sujet supposĂ© savoir ou faisant fonction d’objet. Mais revenons Ă  Freud. Il rappelle au psychanalyste qu’il ne doit jamais oublier que l’amour que son patient lui manifeste ne s’adresse pas Ă  sa personne, mais Ă  une autre, qu’il ne fait, pour reprendre la lecture qu’en fait Lacan, qu’actualiser par sa prĂ©sence Il se doit donc de faire preuve d’une abstinence totale, pas seulement physique ». Ce pas seulement physique » vaut d’ĂȘtre commentĂ© car il implique aussi qu’il s’abstienne de tout affect dĂ©placĂ© tendresse, aversion, admiration et de tout jugement moral qui ne pourraient que nuire au traitement. Triple abstinence donc qui n’empĂȘche en rien l’accueil de la souffrance et des associations libres, voilĂ  ce qu’implique la fameuse neutralitĂ© bienveillante. NeutralitĂ© avec laquelle le jeune et fougueux Jung a bien du mal et il confie Ă  Freud ses difficultĂ©s, ses embarras, devant les jeunes et jolies hystĂ©riques dont il s’occupe au Burghözli , mais pas seulement. Il y a aussi et surtout la sĂ©duction qu’exerce sur lui ce jeune psychiatre prometteur » selon les termes de Freud mais toxicomane que Freud lui a adressĂ© pour sevrage, Otto Gross. Jung va se consacrer entiĂšrement Ă  lui. J’ai tout laissĂ© en plan et j’ai employĂ© tout le temps disponible, le jour et la nuit, pour Gross, pour faire avancer au possible son analyse
OĂč je n’avançais plus, c’est lui qui m’a analysé  » Ă©crit-il Ă  Freud le 25 mai 1908 l’analyse mutuelle existe ainsi dĂ©jĂ , avant mĂȘme que Ferenczi ne l’ait conceptualisĂ©e!. Freud lui rĂ©pond le 29 mai Gross est un homme si prĂ©cieux et une tĂȘte si bien faite que votre travail a la valeur d’un service rendu Ă  la communautĂ© ». Cependant, le 19 juin, Jung insiste 
L’affaire Gross m’a consumé .cet Ă©vĂ©nement est l’un des plus graves de ma vie, car en Gross j’ai fait l’expĂ©rience de trop de cĂŽtĂ©s de ma propre nature, de sorte qu’il m’est apparu comme mon frĂšre jumeau, dementia praecox en moins. Cela est tragique ». Jung, fascinĂ© par Gross et ses thĂšses libertaires il conçoit en effet la levĂ©e du refoulement comme une libĂ©ration de la rĂ©pression sur la sexualitĂ© et prĂŽne une libertĂ© sexuelle sans limites, pour le patient comme pour mĂ©decin, se laissera sĂ©duire par Sabina Spielrein puis par d’autres le film de David Cronenberg, A dangerous method, en rend compte avec justesse. Il laisse libre cours Ă  ce qu’il nomme ses composantes polygames » lettre de J. Ă  F., 7 mars 1909 et pose la relation malade-mĂ©decin comme rĂ©ciproque. De mĂȘme que le mĂ©decin aide le malade, de mĂȘme le malade est l’onguent qui convient au point faible du mĂ©decin ». Ainsi, dĂšs 1908, Jung fait part Ă  Freud de sa fragilitĂ© mais Freud le rassure, avant de l’exĂ©cuter. Il vous faut lire ou relire la passionnante correspondance entre les deux hommes, dont je viens de vous donner un petit aperçu, complĂ©tĂ©e par les entretiens de Jung avec AniĂ©la JaffĂ© publiĂ©s Ă  sa demande aprĂšs sa mort sous le titre Ma vie. La violence que Freud manifeste Ă  l’égard de celui dont il s’est entichĂ© en 1907 et qu’il a instituĂ© son hĂ©ritier alors qu’il n’en demandait pas tant, n’est explicable que par l’ampleur de son dĂ©senchantement, net dĂšs 1911 et qui ne va aller que croissant. Freud a Ă©tĂ© aveuglĂ© par ce qu’il faut bien appeler son amour de transfert, il a vu en Jung bien autre chose que ce que Jung Ă©tait. Leur rupture, trĂšs fĂ©conde pour Freud, plonge Jung, dĂšs 1912, et pour dix ans, dans une vĂ©ritable descente aux enfers qu’il appelle ses confrontations avec l’inconscient » et qu’il diagnostique dĂ©pression psychotique profonde ». Poursuivons la lecture de l’article de 1915 1- Le psychanalyste doit ĂȘtre triplement abstinent. 2- Le dĂ©sir du malade est une force motrice qui favorise le travail analytique et le changement. Le malade est donc non seulement un amoureux mais un travailleur c’est mĂȘme l’inconscient plus que le malade qui est au travail. 3- Il convient de maintenir le transfert tout en le traitant comme quelque chose d’irrĂ©el » et d’extraire de la situation son contenu analytique ». Autrement dit amener le malade Ă  trouver les fondements infantiles de son amour. Ce qui lui permettra la levĂ©e d’une fixation Ă  un scĂ©nario rĂ©pĂ©titif et vain et de pouvoir enfin aimer Ă  nouveau. En rĂ©sumĂ© et en termes freudiens Le mĂ©decin doit savoir que c’est la situation analytique qui provoque cet amour, que la rĂ©sistance l’intensifie encore, et que cet amour ne s’adresse pas Ă  lui comme personne. La situation analytique est une relation non rĂ©ciproque, asymĂ©trique. Que se passe-t-il quand l’analyste ne respecte pas la rĂšgle d’abstinence, de neutralitĂ©, d’apathie au sens d’absence de pathos comme Lacan l’appelle dans le SĂ©minaire VIII, en rĂ©fĂ©rence aux StoĂŻciens ? Une double perdition. L’affaire Jung-Gross en est un parfait exemple. Prenons-en un autre, moins ancien, fictionnel mais nĂ©anmoins dĂ©monstratif, qui a fait le succĂšs d’un roman paru il y a quelques annĂ©es. Son auteur, psychanalyste, a tentĂ© d’imaginer ce qu’aurait Ă©tĂ© la quatriĂšme et derniĂšre analyse de Marilyn Monroe, son analyse hollywoodienne. Ralph Greenson, l’analyste de la star, vĂ©ritable hĂ©ros shakespearien, se retrouve prisonnier d’une cure qu’il s’imaginait mener. ConfrontĂ© Ă  la rĂ©sistance de son analysante, Ă  son refus de la rĂšgle fondamentale de libre association, l’analyste chevronnĂ© dĂ©cide d’innover. Il se met en tĂȘte d’ĂȘtre le sauveur de la petite fille triste qu’il a perçu derriĂšre la jeune femme dĂ©jĂ  un peu morte qui lui a Ă©tĂ© adressĂ©e, en lui offrant ce qu’elle n’a jamais eu, une famille, la sienne, et l’amour d’un pĂšre, lui-mĂȘme. AveuglĂ© par l’amour de transfert, il s’égare et plonge tĂȘte baissĂ©e dans l’amour de contre-transfert, l’amour rĂ©parateur. La rĂ©sistance Ă  l’analyse est lĂ  de son cĂŽtĂ© Et c’est au moment oĂč il s’attend Ă  un progrĂšs, Ă  une amĂ©lioration, car son analysante commence enfin, mĂȘme si c’est d’une façon fort curieuse par le biais d’un magnĂ©tophone et dans le secret de sa chambre, hors de la prĂ©sence de l’analyste donc, Ă  associer librement, Ă  trouver les mots qui jusqu’alors lui faisaient dĂ©faut, que se produit la catastrophe. Ils voudraient, avec leur passion dĂ©gagĂ©e de tout lien social, tenir Ă  merci le mĂ©decin », signale Freud en fin d’article. Comment ce dernier, s’il est psychanalyste, s’en dĂ©brouille-t-il ? En laissant son moi de cĂŽtĂ©, Ă  la porte de son cabinet. Est analyste celui qui ne se pose plus la question de son identitĂ© et qui se tient Ă  la bonne place, celle de l’agent de l’opĂ©ration analytique. Le dĂ©sir particulier qui l’anime et qui sous-tend son acte lui permet de rĂ©pondre Ă  la demande d’amour qui lui est adressĂ©e en ne la satisfaisant pas et ainsi de faire naĂźtre du cĂŽtĂ© analysant un dĂ©sir autre. Non plus un dĂ©sir d’ĂȘtre aimĂ© mais un dĂ©sir de savoir. L’analysant pourra alors sortir de sa complainte, s’atteler Ă  sa tĂąche. Travail d’élaboration, de perlaboration, de remĂ©moration en termes freudiens. Travail d’historisation 1954 puis d’hystorisation 1976 en termes lacaniens. Le dĂ©sir de l’analyste et le dĂ©sir de savoir de l’analysant, l’un Ă  l’autre articulĂ©s, le premier faisant naĂźtre puis aiguillonnant le second, rendent possible la sortie des impasses et des piĂšges de l’amour de transfert. DerriĂšre l’amour dit de transfert, nous pouvons dire que ce qu’il y a, c’est l’affirmation du lien du dĂ©sir de l’analyste au dĂ©sir du patient », prĂ©cise Lacan dans Les quatre concepts N’allez pas croire que cela soit facile. Je me souviendrai toujours de cet homme, plus tout jeune mais portant beau, reçu au dĂ©but de ma pratique. Le symptĂŽme invalidant qui l’avait conduit jusqu’à moi disparut comme par enchantement aprĂšs notre premiĂšre rencontre. Il ne put attendre la suivante et le fit savoir par Ă©crit Ă  la magicienne que j’étais devenue. Sa lettre, fort bel objet par ailleurs beau papier, beau timbre, belle Ă©criture, Ă©tait une lettre d’amour. D’autres suivirent. J’interprĂ©tais l’intensitĂ© de son transfert en le rapprochant du double deuil rĂ©cent qu’il avait Ă©voquĂ© comme cause possible de son symptĂŽme, la perte des deux seules compagnes qui l’aient, selon lui, jamais aimĂ© inconditionnellement, sa mĂšre et sa chienne. Sa plume s’enflamma de plus belle. Mon embarras allait croissant et j’en fis part Ă  mon analyste qui intervint en me faisant remarquer d’un ton sec que nous n’étions pas lĂ  pour ça ! Cela me remit Ă  ma place, ces lettres ne troublaient en effet que la femme en moi. Je cessais de les ouvrir et donc de les lire, la cure put enfin commencer. C’est bien plus tard que j’ai rencontrĂ© celle qui se prĂ©sentait Ă  moi comme une amoureuse déçue. Tout individu auquel la rĂ©alitĂ© n’apporte pas la satisfaction entiĂšre de son besoin d’amour se tourne inĂ©vitablement, avec un certain espoir libidinal, vers tout nouveau personnage qui entre dans sa vie
 », Ă©crit Freud dans La dynamique du transfert ». Et ce nouveau personnage allait ĂȘtre moi. Moi qui succĂ©dait Ă  la sĂ©rie des analystes pas Ă  la hauteur », trop ceci ou pas assez cela, qu’elle avait rencontrĂ©s prĂ©cĂ©demment en mĂȘme temps que se succĂ©daient les amours toujours dĂ©cevantes. Le transfert amoureux, d’abord appui, permit qu’elle historise ce qu’elle considĂ©rait comme son parcours du combattant. Mais il devint trĂšs vite obstacle. Mes interventions, mes silences, mes retards, la durĂ©e des sĂ©ances, mes dĂ©parts en vacances, tout devint prĂ©texte Ă  rĂ©criminations. Elle m’adressait de plus des communications tĂ©lĂ©phoniques itĂ©ratives, franchement persĂ©cutives, souvent sous l’emprise de l’alcool. Cela cessa brutalement le jour oĂč, lui ayant demandĂ© ce qu’elle avait donc bu la veille, je rĂ©pĂ©tai malgrĂ© moi et Ă  ma façon le nom de son cocktail prĂ©fĂ©rĂ©. Scansion non dĂ©libĂ©rĂ©e de ma part dont elle s’empara aussitĂŽt et qu’elle considĂ©ra comme une interprĂ©tation. Injection par moi d’un signifiant nouveau qui lui permit pour la premiĂšre fois de se mettre au travail associatif et de ce fait de me dĂ©placer dans l’axe du transfert. Non plus petit autre dans la sĂ©rie de celles et ceux qu’elle avait aimĂ©s sans retour, mais grand Autre en relation avec Ă  un savoir, analyste enfin Ă  la hauteur, Ă  qui dĂ©dier le fruit de ses Ă©laborations. Je pus ainsi et par sa grĂące » non seulement Ă©chapper Ă  la persĂ©cution de son Ă©rotomanie transfĂ©rentielle mais lui permettre de se mettre Ă  la tache analysante », venant ainsi confirmer, en un certain sens, la dĂ©finition de Freud de la cure analytique comme paranoĂŻa dirigĂ©e. A ceci prĂšs que, compte tenu de sa structure, c’est elle qui en assumait la direction, ce que je me suis bien gardĂ©e de contrer. Je m’arrĂȘterai lĂ . J’aurais pu dĂ©velopper la question de l’amour dans le sĂ©minaire X, m’interroger sur ce que Lacan, plus tardivement, en 1973 dans sa lettre aux Italiens, entend par faire l’amour plus digne que le foisonnement de bavardage, qu’il constitue Ă  ce jour ». Et sur le lien entre cet agalma, objet cachĂ© mais encore porteur d’un certain brillant phallique, qui n’apparait que dans le sĂ©minaire X, et l’objet dĂ©chet, l’objet rebut qu’incarne l’analyste en fin de cure. Mais cela m’ aurait Ă©loignĂ©e du thĂšme de ces journĂ©es. Je vous remercie de votre attention, Colette Sepel

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